Compositeur
« L’inspiration et la composition comportent une grande part de mystère…. l’émanation d’une curieuse alchimie ? Peut-être ? Une soudaine étincelle née d’un profond ressenti à l’écoute d’une voix, l’échange d’un regard, la contemplation d’une harmonie de couleurs, de formes ou de lignes, le vécu d’une situation insolite, la transcendance d’un environnement exaltant ou d’un fait troublant… Traduction spontanée d’une intense, et secrète émotion ? Je ne saurais dire. Ce qui est sûr, c’est qu’il importe de fixer aussitôt sur un petit morceau de papier les quelques notes qui squattent l’encéphale et ne demandent qu’à fuir à tout instant.
Dur combat entre l’éphémère et le toujours !
Après, l’imaginaire fait le reste. Loin de tout, du moment présent.
Tel un enfant du rêve au cerveau libéré de toute contrainte scholastique, je m’évertue à préciser la nature même de ce murmure de l’âme errante : le rythme, l’intensité, le climat, la forme, les demi-teintes, qui « collent au plus juste » à la réalité, la genèse de ce qui est en train de naître…
Le cerveau garde encore ses secrets, et il y a encore des bastilles à prendre ! «
MM
» Est-ce la réminiscence d’une vieille séquelle de timidité maladive mal assumée, mais le trac d’avant l’entrée en scène me torture et m’isole de tout… Dans les minutes qui précèdent j’ai l’impression de ne plus rien savoir… Je suis seul, résolument seul dans une bulle, et autour de moi, plus rien n’existe, autre que le souci d’être à la hauteur de l’engagement envers le public… Quelle angoisse !
Arrive alors le moment tant attendu où je viens m’esbaudir, me « livrer » au public. C’est un curieux mélange de chrétien dans une arène, et de funambule, en équilibre incertain sur un fil, bordé de vide de chaque côté, et alors tout peut arriver… La fausse note, le trou de mémoire, une corde qui casse. On ne fait pas des métiers faciles !
Mais, oh miracle ! Après quelques notes égrenées, je m’évade en un vrai moment de « béatitude ». Le silence de la salle qui a succédé à la ferveur de l’accueil, me porte.
Je suis hyper concentré, chaque nuance est essentielle, j’ai le devoir de convaincre, de séduire, de justifier le « pourquoi » du charme fou de cet instrument d’exception qu’est la cithare Viennoise, pygmalion du romantisme à l’état pur, jusqu’au bout des doigts… jusqu’aux tréfonds de la mémoire des peuples d’Europe centrale.
Il y a quelque chose de « messianique » et proche de la métempsychose dans tout cela.
Une pulsion implicite de devoir séduire, émouvoir, faire ressentir au public le dépassement de soi, au point de s’évader avec lui dans une osmose absolue…avec le soutien sans faille de Philippe, au piano.
Sous la lumière des projecteurs, je ne vois pas le public, et c’est tant mieux. Je le devine, et le ressens comme une sorte de souffle imperceptible.
J’essaie de traduire l’âme slave, le romantisme d’un peuple en prise avec la nature et la vraie vie, mais aussi, avec une certaine modernité… ses émotions, ses amours, sa joie de vivre, ses passions, ses souffrances, ses désillusions… Tout cela transparait au détour de telle ou telle ligne mélodique, telle ou telle périphrase, telle ou elle envolée lyrique…
Cette communion d’esprit fait naître moi une joie immense et partagée… la jouissance devant l’œuvre accomplie…à laquelle j’ajoute une effluve incertaine de ma psychothérapie, en faveur du bonheur de tous ! «
MM